L’immigration est intrinsèquement liée à l’histoire du Canada qui a toujours accueilli des vagues
d’immigrants en fonction d’événements politiques et économiques, notamment. Ces immigrants ont joué un rôle important dans le développement économique, politique et social du Canada tout en contribuant à la richesse et à la diversité du pays. « Depuis 1869, le Canada a des lois et règlements régissant l’entrée des immigrants. La législation sur l’immigration a évolué et changé au fil du temps, influencée par la transformation sociale, le climat politique et économique, ainsi que les tendances dominantes sur la race, l’opportunité et l’intégration. » Pour remédier à une sélection parfois arbitraire et dépendante du pouvoir discrétionnaire des fonctionnaires en poste, le Canada s’est doté en 1967 d’un règlement sur l’immigration qui mena à l’entrée en vigueur d’un système de points pour la sélection de certaines catégories d’immigrants. Parmi les critères évalués se trouvait la maîtrise d’une des deux langues officielles. Ce nouveau système visait entre autres à mettre fin à la discrimination dont étaient victimes certains groupes ethniques ou religieux. Depuis, l’immigration a pris une nouvelle tournure et on assiste à une diversification des pays sources d’immigrants. Des immigrants parlant plusieurs langues, y compris une des deux langues officielles, élisent domicile au Canada. Cette hétérogénéité s’observe également au sein des communautés francophones et chez les nouveaux arrivants qui s’y établissent. Qu’ils soient Belges, Roumains, Maliens ou Haïtiens, ils ont plusieurs cordes linguistiques à leur arc. Cette mosaïque multiculturelle se reflète aujourd’hui dans différentes sphères, notamment dans les écoles de langue française au sein des communautés francophones, de Moncton à Vancouver, en passant par London et Edmonton.
Plusieurs efforts et initiatives ont été menés depuis une dizaine d’années, tant au niveau fédéral qu’au niveau de certaines provinces et certains territoires, pour que l’immigration favorise également l’épanouissement des communautés francophones en situation minoritaire. Ces initiatives se sont traduites notamment par l’élaboration d’objectifs chiffrés à atteindre. Néanmoins, au-delà des cibles et des données statistiques, certes nécessaires, il est fondamental de garder en tête qu’il est question d’abord et avant tout de vraies personnes avec des parcours et des bagages différents que l’on côtoie au quotidien : voisin de palier, enseignant de l’école d’à côté, boulanger et pharmacienne du quartier, etc. Bref, ce sont aussi des mères de famille, des pères célibataires ou encore de jeunes couples qui ont fait le choix de s’installer et de démarrer une nouvelle vie dans nos communautés francophones laissant souvent loin derrière eux leurs proches et amis. Pour d’autres, le parcours est encore plus difficile et les besoins sont plus grands; pensons, notamment, aux réfugiés qui intègrent les différentes communautés. Possédant souvent plusieurs diplômes étrangers et plusieurs années d’expérience professionnelle internationale, les immigrants francophones non seulement aspirent à trouver la place qui leur revient, mais aussi veulent contribuer au développement économique et social de leur communauté d’accueil. Ils ont parfois tout quitté dans leur pays d’origine dans l’espoir de participer au projet canadien. Face à ces attentes et aspirations et pour que leur rêve ne fonde pas comme neige au soleil, les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, avec l’appui de plusieurs partenaires incluant lescommunautés francophones, ont la responsabilité de faciliter l’accueil et l’intégration sociale, économique et professionnelle des nouveaux arrivants. De fait, plus ces derniers se sentiront valorisés et accueillis en français, plus ils seront susceptibles de développer un attachement à leur nouvelle communauté et ainsi de contribuer à son épanouissement. Certes, le marché d’emploi en français reste relativement limité pour permettre à tous les nouveaux arrivants de travailler dans leur langue. Il n’en demeure pas moins que les premiers mois sont déterminants aux yeux des nouveaux arrivants qui jaugent leur potentiel d’intégration dans leur nouvel environnement au rythme de la disponibilité et de la qualité des programmes et des services en français qu’ils reçoivent. De fait, leurs besoins en matière de services et programmes sont spécifiques : obtenir la carte d’assurance sociale, la carte d’assurance-maladie, le permis de conduire, trouver un logement abordable ou décrocher un premier emploi. C’est sans compter la recherche d’une école pour ceux qui ont des enfants. Certains nouveaux arrivants choisissent d’envoyer leurs enfants dans une école de langue anglaise parce qu’ils veulent leur permettre de mieux maîtriser cette langue. Toutefois, ce choix est souvent influencé par leur méconnaissance du fait que l’éducation de langue française offre aux enfants des chances plus qu’excellentes d’en sortir bilingues et aussi par leur méconnaissance de l’existence même d’institutions de langue française dans leur communauté. Souvent peu sensibilisés avant leur arrivée aux défis auxquels font face les communautés francophones, les nouveaux arrivants doivent généralement composer avec une réalité très différente de l’image du Canada perçue ou véhiculée à l’étranger. En effet, plusieurs croient souvent à tort que le Canada est un pays entièrement bilingue, d’où l’importance de mieux orienter et informer les candidats francophones à l’immigration avant leur arrivée au pays. Néanmoins, il est difficile, voire impossible, pour un nouvel immigrant de connaître les subtilités qui existent entre les différents services et programmes en matière d’établissement, de formation et d’intégration auxquels il a droit, et de connaître les différents services offerts en français selon le palier de gouvernement.
À l’heure de la mondialisation et de l’économie du savoir, les pays développés ainsi que les économies émergentes se livrent une compétition internationale pour accueillir une main-d’œuvre hautement qualifiée. Confronté au vieillissement de sa population, à un taux de natalité en déclin et à une pénurie aiguë de main-d’œuvre dans des secteurs clés de l’économie, le Canada mise sur l’immigration pour maintenir sa compétitivité économique et préserver son modèle social. Ainsi, le gouvernement fédéral a entrepris au cours des dernières années une réforme en profondeur du système d’immigration mettant notamment l’économie au cœur de ses changements et accordant une place plus importante aux employeurs dans la sélection des travailleurs étrangers. Ces modifications doivent cependant prendre en compte la composition du tissu social et linguistique du pays ainsi que la réalité particulière des communautés. Au fil des ans, les communautés francophones en situation minoritaire du Canada ont peu bénéficié de l’immigration. Dans la mise en œuvre du nouveau système d’immigration, le gouvernement fédéral doit donc s’assurer que les communautés francophones tirent pleinement profit des occasions amenées par ce système et que le rôle important que ces communautés peuvent jouer dans l’accueil et l’accompagnement des nouveaux arrivants est reconnu et valorisé auprès des partenaires et, plus particulièrement, auprès des employeurs. À l’aube des célébrations du 150e anniversaire de la confédération en 2017 et du 400e
anniversaire de la présence francophone en Ontario en 2015, nous considérons qu’il est crucial que les deux paliers de gouvernement collaborent et fassent preuve de leadership pour que l’immigration favorise réellement le développement et l’épanouissement des communautés minoritaires francophones et que la mosaïque démographique en cours épouse la spécificité de la société canadienne. Ainsi, nous croyons sincèrement que nos recommandations contribueront à la mise en place d’un système d’immigration juste et équitable qui conjuguera à la fois les orientations gouvernementales et les obligations constitutionnelles et législatives afin que la dualité linguistique, élément essentiel à l’identité canadienne, s’enrichisse de l’apport d’une immigration aussi nécessaire que cosmopolite. Pour paraphraser un slogan d’une campagne publicitaire de recrutement menée par le gouvernement canadien en Grande-Bretagne en 1905, il est temps que le Canada devienne une destination de choix pour les immigrants d’expression française en prenant toutes les mesures nécessaires et envoie le message suivant : « Francophones, le Canada a besoin de vous. »
Agir maintenant pour l'avenir des communautés francophones : Pallier le déséquilibre en immigration
Titre
Description
Type de document
Documents communautaires et gouvernementaux
Auteur
Rapport conjoint du commissaire aux langues officielles
Langue
Français