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L’une des caractéristiques les plus marquantes de la mondialisation est sans aucun doute l’augmentation fulgurante des migrations de personnes depuis une vingtaine d’années (Castles, 2007 ; Vertovec, 2007). La mondialisation de l’économie et de l’éducation amènent un nombre croissant d’acteurs à participer à ce qu’on pourrait appeler le « marché mondial du travail ». En effet, les travailleurs qualifiés deviennent un bien précieux dans les économies avancées des pays industrialisés où le vieillissement de la population et la dénatalité engendrent une pénurie de main d’œuvre, et à eux seuls les pays de l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) attirent presque 90 % des migrants qualifiés (Vinokur, 2006). Or, alors même qu’ils mettent en place des mesures de sélection d’immigrants plus strictes, ces pays sont également en compétition les uns avec les autres pour attirer ces travailleurs qualifiés et ces étudiants aux cycles supérieurs.Les mesures de sélection sont donc accompagnées de politiques visant à faciliter le processus d’immigration pour ceux détenant des qualifications en demande : on pense notamment au système de points mis en place au Canada, en Australie et en Grande-Bretagne ou encore au visa H-1B aux États-Unis. Dans ce contexte d’une demande croissante pour la main d’œuvre qualifiée, il n’est pas surprenant que les étudiants internationaux soient non seulement de plus en plus nombreux, mais qu’ils soient perçus par plusieurs de ces pays comme étant des immigrants presque idéaux.
Un récent rapport de l’OCDE indique qu’il y a eu une augmentation annuelle d’étudiants internationaux de 9 % dans ses pays membres de 2000 à 2005 (OCDE, 2007). En 2004, 85 % des quelques 2,7 millions d’étudiants internationaux étaient inscrits à des universités dans la zone de l’OCDE. L’éducation est même devenu la cinquième exportation de services en importance aux États-Unis. L’importance de l’éducation dans les économies avancées peut se mesurer par le rôle toujours croissant que jouent les universités non seulement dans l’attraction de migrants, mais également dans leur intégration et leur rétention. En effet, dans la mesure où les pays de l’OCDE cherchent des travailleurs qualifiés, les étudiants internationaux détenant des diplômes de leurs universités deviennent une solution presque idéale au manque de main-d’œuvre qui les afflige. C’est ainsi que plusieurs gouvernements ont mis en place des mesures visant à faciliter le passage des étudiants internationaux au marché du travail. Les gouvernements et les universités travaillent donc de concert afin d’assurer leur compétitivité sur la scène internationale. « Les diplômés internationaux, pour avoir vécu dans le pays d’accueil, sont acclimatés à ses caractéristiques sociales et culturelles et de plus en plus d’efforts sont mis pour les attirer et les retenir » (ICMPD, 2006, p. 7).
Au moins trois facteurs peuvent expliquer cette nouvelle manière de considérer les étudiants internationaux par les gouvernements. Premièrement, en tant qu’immigrants potentiels, ils sont une solution aux problèmes de dénatalité et du vieillissement de la population, notamment à l’extérieur des grands centres urbains.
Deuxièmement, les étudiants internationaux deviennent des travailleurs qualifiés et participent donc à la compétitivité économique de leur pays d’accueil sur la scène internationale. Troisièmement, les étudiants internationaux qui obtiennent un diplôme dans le pays d’accueil peuvent plus aisément accéder au marché du travail et font de ce fait des universités des acteurs important dans le dossier de l’immigration (Zigurus et Law, 2007). En tant que pôle d’attraction de migrants, les universités ont à redéfinir leur rôle et leur mission au sein de la société, mais ont également à redéfinir les services qu’elles offrent aux étudiants. L’emphase que mettent les universités sur l’internationalisation de l’éducation doit s’accompagner d’une gestion effective de la diversité culturelle sur leur campus (Suter et Jandl, 2008 ; Altbach et Knight, 2007). À cette volonté d’offrir une formation internationale s’ajoute l’indéniable argument économique derrière l’attraction d’étudiants internationaux qui payent des frais de scolarité nettement supérieurs aux étudiants locaux dans plusieurs pays. La rentabilité de l’internationalisation pousse les petites universités à également tenter leur chance. Si « toutes les universités ne sont pas particulièrement internationales, toutes sont sujettes au même processus de mondialisation – en partie en tant qu’objet, victime, même, mais également en partie en tant que sujet ou agent de la mondialisation » (Scott, 1998, p. 122).
La présence de petites universités dans le marché international d’étudiants est perçue par certains comme une solution au problème de l’immigration régionale (Walton-Roberts, 2008). Le Canada et l’Australie, par exemple, ont mis sur pied des mesures incitatives afin d’encourager l’immigration hors des grands centres grâce à leur système de points. Pour toutes ces raisons, le gouvernement canadien est d’avis que sa « capacité à garder les étudiants étrangers ayant obtenu un diplôme et acquis une expérience de travail au Canada et s’étant familiarisés avec la société canadienne, [lui] permettra d’accroître [sa] compétitivité, ce qui profitera à l’ensemble du Canada » (CIC, 2008).
Dans cet article, nous explorerons ce rôle changeant de l’université dans un contexte de mobilité
internationale croissante et de demande accrue d’immigration en région en nous concentrant sur le cas de l’Université de Moncton, au Nouveau-Brunswick, au Canada. Il s’agit d’une recherche de plus grande envergure financée par le Conseil de recherche en sciences humaines (CRSH) portant sur l’impact des universités francophones sur l’immigration en région dans quatre villes canadiennes. Nous avons procédé à une analyse des politiques fédérales, provinciales et municipales concernant les étudiants internationaux, nous avons fait des entretiens avec les responsables politiques municipaux, les administrateurs de l’université, ainsi que des groupes focus avec des étudiants internationaux.Dans un premier temps, nous passerons en revue l’évolution des politiques concernant l’attraction et la rétention des étudiants internationaux au Canada, notamment à l’extérieur des grands centres urbains (Montréal, Toronto et Vancouver). Ensuite, nous analyserons les stratégies de recrutement mises de l’avant par l’Université de Moncton et évaluerons le taux de rétention des diplômés internationaux. Enfin,nous discuterons des défis spécifiques à la rétention des immigrants en région.

Type de document
Rapports de recherche
Auteur
Mathieu Wade
Langue
Français