Le présent rapport porte sur l’immigration de langue française à l’extérieur du Québec et son évolution
récente : son effectif, sa répartition sur le territoire et ses caractéristiques démographiques et socioéconomiques. Il s’agit d’une mise à jour du rapport analytique publié par Statistique Canada en 2010 grâce à l’appui financier de Citoyenneté et Immigration Canada. Cette nouvelle version tient donc compte des statistiques les plus récentes sur le sujet, soit celles tirées de l’Enquête nationale auprès des ménages de 20111
. Tout comme dans la version de 2010, le présent portrait statistique de l’immigration
de langue française repose principalement sur la notion de première langue officielle parlée (PLOP), laquelle est, depuis plusieurs années, beaucoup utilisée comme critère de définition linguistique dans les travaux sur les minorités de langue officielle. La population immigrée francophone à l’extérieur du Québec est constituée de deux groupes : ceux qui ont le français uniquement comme première langue officielle parlée (les immigrants de PLOP français) et ceux dont la première langue officielle parlée est à la fois le français et l’anglais (les immigrants de PLOP français-anglais).
La population immigrée francophone vivant à l’extérieur du Québec est relativement peu importante, tant en nombre absolu que par rapport à l’ensemble des personnes de langue française ou par rapport à l’ensemble de la population immigrée. Le poids relatif des immigrants francophones au sein de l’ensemble de la population de langue française s’est toutefois accru, passant de 6,2 % à 11,7 % entre 1991 et 2011, alors que son poids au sein de l’ensemble de la population immigrée a connu une variation plus modérée, atteignant 2 % en 2011.
Alors que le recensement de 2006 avait permis de dénombrer quelque 60 900 immigrants ayant le
français comme PLOP dans l’ensemble des provinces et territoires hors Québec et quelque 76 100
immigrants qui se sont vus attribuer à la fois le français et l’anglais comme PLOP, l’Enquête nationale auprès des ménages de 2011 y a dénombré 74 470 immigrants de PLOP français et 79 400 de double PLOP français-anglais.
Fait digne de mention, parmi les immigrants résidant dans les provinces et territoires hors Québec en 2011 et qui étaient arrivés au pays entre 2006 et l’ENM de 2011, 18 450 avaient le français comme PLOP et 17 600 étaient de double PLOP français-anglais. Parmi les immigrants récents dénombrés lors du recensement de 2006, ces effectifs étaient de 12 940 et 18 570 respectivement.
Tout comme ce qui avait été observé dans la version précédente de cette étude, c’est en Ontario où se concentrent la majorité des immigrants francophones à l’extérieur du Québec, soit près de 70 % d’entre eux. Par ailleurs, les deux tiers des immigrants de langue française vivent dans trois agglomérations urbaines, soit Toronto, Ottawa et Vancouver.
Dans certaines villes, notamment Toronto, Vancouver et Calgary, le nombre d’immigrants de PLOP français-anglais est une fois et demie plus nombreux que celui des immigrants de PLOP français. Ces deux groupes de PLOP ont des caractéristiques démographiques et socioéconomiques qui sont parfois très contrastées.
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Bien que reposant sur des taux de réponse inférieurs à ceux des recensements antérieurs utilisés dans ce portrait,
les statistiques tirées de l’Enquête nationale auprès des ménages (ENM) de 2011 sont généralement de bonne
qualité. Les lecteurs sont priés de consulter l’annexe C pour plus d’informations sur la comparabilité des données
de l’ENM de 2011 avec celles des recensements antérieurs.
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L’origine géographique de l’immigration internationale vers le Canada s’est rapidement transformée au
cours des dernières décennies. Les immigrants d’origine européenne ont en effet eu tendance à céder
leur place aux immigrants en provenance d’Asie, d’Afrique et de l’Amérique latine. À cet égard, les
immigrants de PLOP français se distinguent des autres immigrants de par la proportion importante en
provenance du continent africain. Une des conséquences de cette tendance a été de modifier la
composition de la population immigrée de PLOP français qui comptait en 2011 34 % de Noirs,
comparativement à moins de 10 % dans le cas des deux autres groupes d’immigrants (PLOP françaisanglais et PLOP autre).
La population immigrée francophone apparaît comme une population plutôt jeune (caractérisée par une
proportion importante du groupe des 0 à 19 ans) quand on la compare aux immigrants non
francophones. Cette caractéristique s’explique en partie par la composition par âge très particulière des
immigrants ayant et le français et l’anglais comme PLOP. Ceux-ci comptent, en effet, une proportion
élevée de jeunes âgés de 10 à 24 ans, proportion nettement plus élevée que chez les immigrants de
PLOP français et les immigrants non francophones.
La migration interprovinciale est très différentiée selon que l’on est un francophone ou un nonfrancophone habitant une province ou un territoire hors Québec. Alors que les francophones tendent à
s’établir au Québec lorsqu’ils migrent à l’intérieur du Canada, les non-francophones choisissent plutôt
une des neuf autres provinces, surtout l’Ontario, la Colombie-Britannique et l’Alberta. Au Québec on
observe les tendances exactement inverses : les francophones du Québec, qu’ils soient nés au Canada
ou immigrants, migrent relativement peu vers les autres provinces alors que les non-francophones
quittent la province dans une proportion beaucoup plus élevée. Au total, le mouvement migratoire des
immigrants francophones du reste du Canada vers le Québec n’arrive pas à compenser le mouvement
migratoire inverse du Québec vers le reste du Canada et le solde migratoire interprovincial des
immigrants francophones favorise nettement le Canada hors Québec. En terme relatif, le solde
migratoire des immigrants francophones est même beaucoup plus important que celui des
francophones nés au pays et que celui des immigrants non francophones.
L’examen des comportements langagiers à la maison et au travail chez les immigrants francophones
établis à l’extérieur du Québec montre l’existence d’une concurrence entre le français et l’anglais parlés
à la maison et utilisés en milieu de travail. Chez les immigrants de PLOP français, un peu moins de la
moitié (48 %) déclarent parler la langue française le plus souvent à la maison, alors que 30 % déclarent
parler l’anglais et 10 % une langue non officielle. Quant aux immigrants de PLOP français-anglais, le
français parlé à la maison est très peu répandu, même en tenant compte du nombre des locuteurs qui
déclarent le parler à la maison sur une base régulière (plutôt que le plus souvent).
En milieu de travail, la présence de l’anglais est très répandue. Chez tous les groupes définis par la
première langue officielle parlée (PLOP) et le statut d’immigrant, l’anglais domine largement comme
langue la plus souvent utilisée au travail. Chez les immigrants ayant le français comme PLOP, 64 %
déclarent utiliser l’anglais le plus souvent au travail.
Les tendances régionales indiquent que l’usage du français diminue d’est en ouest : il est le plus
important en Atlantique, en particulier au Nouveau-Brunswick, demeure élevé dans le nord de l’Ontario
et à Ottawa, et atteint le plus faible niveau d’utilisation à Toronto (et dans le sud de l’Ontario en
général) et dans les deux provinces de l’Alberta et de la Colombie-Britannique.
La transmission du français dépend à la fois du type de couple dans le ménage où vivent les enfants et
du contexte où cette langue est utilisée. La transmission du français est d’abord le fait des couples où les
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deux partenaires ont uniquement le français comme PLOP: la majorité des enfants d’âge mineur ont le
français comme langue maternelle, le parlent le plus souvent à la maison et l’ont comme première
langue officielle parlée. La situation est complètement différente chez les autres types de couple où
c’est la transmission de l’anglais ou d’une langue non officielle qui prédomine. Le contexte est
également important. En tant que langue maternelle, le français est transmis à 28 % des enfants vivant
au sein de ménages composés de couples où au moins un partenaire est un immigrant francophone; il
l’est à 38 % des enfants en tant que langue d’usage au foyer (langue parlée au moins régulièrement à la
maison) ; et à 41 % des enfants en tant que première langue officielle parlée (PLOP). Par ailleurs, la
concurrence de l’anglais est forte dans tous les contextes : en tant que langue maternelle, l’anglais (en
excluant les cas de transmission simultanée du français et de l’anglais) est transmis à 29 % des enfants,
en tant que langue d’usage à 61 % des enfants et en tant que PLOP à 54 % des enfants. Dans les trois cas
de transmission intergénérationnelle, l’anglais surclasse le français en termes du nombre d’enfants à qui
la langue est transmise. Quant aux langues non officielles, leur transmission aux enfants d’âge mineur
est importante et plus répandue que le français : 43 % des enfants ont une langue non officielle comme
seule langue maternelle et à peu près la même proportion, soit 47 %, utilise une langue non officielle au
moins régulièrement à la maison (sans compter les cas où une langue non officielle est transmise
simultanément avec le français ou l’anglais).
Les immigrants de première langue officielle (PLOP) française se distinguent à la fois des personnes
francophones nées au Canada et du reste des immigrants (tant ceux ayant à la fois le français et l’anglais
comme PLOP que les non-francophones) quant à leur plus haut niveau de scolarité et les
caractéristiques des diplômes obtenus. Ils possèdent un niveau de scolarité semblable aux immigrants
de PLOP français-anglais, mais un niveau plus élevé que celui des personnes nées au pays et des
immigrants non francophones, et ce, tant chez les hommes que chez les femmes. Les immigrants dont le
français est la PLOP se distinguent des autres groupes d’immigrants par la plus forte proportion d’entre
eux à avoir obtenu leur diplôme ou certificat au Canada. De plus, parmi ceux qui ont obtenu leur
diplôme ou certificat à l’étranger, une plus forte proportion l’a obtenu en Europe occidentale, surtout
dans un pays de la francophonie, la France en tête.
Par ailleurs, une plus faible proportion des immigrants de PLOP français a acquis un diplôme ou un
certificat universitaire d’études d’ingénieur comparativement aux autres immigrants (tant ceux de
double PLOP français-anglais que ceux non francophones).
On a observé peu de différences entre les groupes d’immigrants quant à leur participation au marché du
travail, bien que les immigrants non francophones soient moins touchés par le chômage que les
immigrants de PLOP français et, surtout, de PLOP français-anglais. Ce sont plutôt les caractéristiques
socioéconomiques qui dictent le degré d’insertion des immigrants au marché du travail canadien. Lapériode d’arrivée au pays est déterminante à cet égard, tout comme l’est le continent de naissance – les
ressortissants africains apparaissant particulièrement défavorisés.